Créer un Portfolio de Photographe Culinaire Professionnel : le Guide en 5 Étapes

Si l’on demandait à 100 photographes contemporains ce qui représente, à leurs yeux, l’élément le plus important pour faire décoller leur business, 97% d’entre-eux répondraient : « Être sur les réseaux sociaux! ». Depuis une décennie, on entend partout le même son de cloche: pour être visible aujourd’hui, en tant que photographe, il faut publier trois fois par jour sur Instagram et les clients se précipiteront sur leur téléphone pour vous appeler, ou pour vous glisser un petit message dans votre boîte de réception. Or il suffit d’une courte expérience de cette plateforme pour se rendre compte que 99% des messages que l’on y reçoit sont envoyés par des gens qui n’ont d’autre intérêt que de faire grossir leur fan base grâce au fameux follow for follow, ou suis-moi je te suis

En tant que photographe culinaire, je pense que le marketing digital est important pour un professionnel car il est essentiel que notre travail puisse trouver une résonance dans le monde (je parlerai dans un prochain article de techniques de marketing bien plus efficaces qu’Instagram pour promouvoir notre photographie et faire en sorte qu’elle soit vue par les bonnes personnes). Néanmoins, les réflexions sur le marketing ne doivent jamais nous faire oublier que la fondation qui va nous permettre d’attirer des clients, en tant que photographe culinaire, c’est notre portfolio. Avant même de démarcher et même de se professionnaliser dans le domaine de la photographie culinaire (comme dans tous les autres champs de la photographie professionnelle d’ailleurs) il faut construire un portfolio cohérent, avec une identité visuelle qui vous est propre. Il faut produire un portfolio culinaire qui fera que vous ne pourrez pas être ignoré. Il vaut mieux une petite visibilité et un portfolio solide qu’une grande visibilité et un portfolio fragile. 

Dans cet article, nous allons voir comment construire un portfolio de photographe culinaire professionnel qui vous permettra de décrocher des contrats et de vous démarquer de la concurrence. 

1. Quel photographe culinaire êtes-vous?

Avec la démocratisation de la photographie et la vogue du « On est tous photographes !» qu’a permis l’avènement du smartphone, on oublie facilement que la photographie est un art difficile qui requiert de la patience, de la créativité et de la concentration. Peu de gens le savent, mais il nous arrive souvent, en tant que photographes culinaires professionnels, de travailler avec des stylistes culinaires pour obtenir des compositions parfaites (oui, styliste culinaire est un métier à part entière et ô combien nécessaire sur certains shoots !). Avant de se lancer en photographie culinaire et d’investir du temps et de l’énergie dans ce domaine, il est donc important de se demander dans quelle direction nous voulons aller

En effet, avant de débuter son activité, on réalise rarement à quel point la photographie culinaire est un champ vaste, qui englobe plusieurs sous-catégories. Parmi-elles:  

  • La photographie éditoriale: ici, le photographe culinaire est embauché par une maison d’édition pour créer des livres de cuisine, ou par des magazines pour réaliser des photographies de recettes pas-à-pas. Dans ce domaine, c’est la narration qui est visée.

  • La photographie publicitaire: le photographe culinaire est sollicité par des entreprises pour mettre en scène des produits. Ces entreprises misent souvent sur des campagnes où l’essence de la marque est reflétée dans une imagerie forte.

  • La photographie commerciale pour restaurants, traiteurs, coffeeshop: ici, le photographe culinaire peut être amené à réaliser des photographies de plats simples (packshots), créatives (mises en scène type flat lays), des reportages métier (portraits d’une brigade au travail) ou des photos d’ambiance (photographies du mobilier et de la clientèle, in situ).

Alors, quel photographe culinaire êtes-vous? Cette réflexion est importante parce qu’en fonction du domaine que vous allez choisir, vous devrez donner à votre travail une direction particulière et surtout, à terme, vous attirerez un certain type de clients. 

Si votre rêve est de travailler pour des maisons d’édition, il est essentiel que vous investissiez du temps dans la production de photographies de recettes pas-à-pas et que vous travailliez votre sens de la narration visuelle. Si vous souhaitez, à l’horizon de dix ans, faire une campagne pour Burger King, votre portfolio être un concentré d’images très gourmandes et très impactantes. Si votre ambition ultime est de photographier les menus de restaurants trois étoiles au Guide Michelin, il faudra que les prises de vue témoignent d’élégance et de justesse, aussi bien dans le stylisme des plats que dans la manière dont vous mettez ces derniers en valeur.

Voici donc quelques questions à se poser qui, je crois, permettent de se lancer dans la construction de son portfolio de photographe culinaire professionnel avec plus de sérénité:

  • Quelle est ma niche?

  • Quel est le profil de mon client de rêve?

  • Quel type d’images souhaiterait-il voir dans mon portfolio?

  • Est-ce que les photographies que je produis actuellement me permettraient de décrocher un contrat avec un tel client?

Lorsqu’on débute en photographie culinaire, on a tendance à vouloir ratisser large. On se dit qu’après tout il ne faut pas se fermer des portes et qu’il serait idiot de rater des jobs en se spécialisant. C’est une approche raisonnable, mais attention à ne pas négliger une réalité fondamentale du travail de photographe culinaire: nous évoluons dans un univers hyper-compétitif où le potentiel client n’a pas de temps à perdre pour déchiffrer votre identité. Il faut se mettre à sa place, il choisira le prestataire qui montre avec le plus d’évidence qu’il est en mesure de répondre à sa problématique.

2. Pourquoi faire appel à un photographe culinaire professionnel?

L’une des raisons qui rend difficile la professionnalisation du photographe culinaire amateur se situe souvent dans son incapacité à mesurer les enjeux de la profession. Pour gagner de l’argent grâce à la photographie culinaire il faut que quelqu’un vous rémunère. Or, tout le monde sera d’accord pour dire que personne ne vous donnera de l’argent pour vos beaux yeux: le client paye un photographe culinaire professionnel pour une prestation, pour un service. 

Néanmoins, si nous nous arrêtons à cette évidence nous oublions de nous interroger sur les motivations profondes qui poussent le client à rechercher une prestation de photographe professionnel, nous oublions de nous interroger sur son pourquoi. Qu’il soit restaurateur, responsable marketing ou chef d’entreprise, le client fait toujours appel à un prestataire parce qu’il a un problème à solutionner et qu’il n’a pas les compétences (et/ou le temps) pour le régler. 

Cas pratiques:

  • Imaginons un restaurateur qui a des photographies de plats à réaliser pour alimenter sa page sur un site de vente en ligne. Très objectivement, il pourrait faire ses photos avec son smartphone mais il ne le fera pas. Pourquoi? Parce qu’il veut que ce soit propre pour au moins deux raisons: pour susciter l’intérêt de ses clients et pour se maintenir au niveau de la concurrence. 

  • Imaginons maintenant une entreprise qui lance une gamme de recettes végétales. Ici, le responsable marketing ne s’attend pas à un packshot produits classique. Il souhaite développer l’activité de l’entreprise dans une direction nouvelle donc susciter l’intérêt du consommateur. Pour cela, il fait appel à un photographe culinaire qui sera en mesure de produire des images fortes, créatives, gourmandes. 

Pour revenir à notre sujet, à savoir la construction d’un portfolio culinaire professionnel, on peut se poser une question simple qui va nous permettre de ne pas nous égarer et de construire un portfolio cohérent: Quel(s) problème(s) mon portfolio permet-il de régler? En ayant toujours cette question à l’esprit vous pourrez élaborer votre portfolio avec confiance car vous saurez qu’il répond à la problématique de vos clients.

3. Créer son portfolio de photographe culinaire professionnel: le souffle photographique (Inspiration/Création)

Maintenant que vous avez déterminé votre niche et les problèmes de vos clients que votre portfolio va permettre de solutionner, il est temps de se mettre au boulot et de créer l’imagerie qui vous rendra crédible pour les professionnels du secteur agro-alimentaire et, in fine, de gagner de l’argent grâce à la photographie culinaire. 

Phase n°1: Inspirations

La première phase du processus de création photographique est une phase où le photographe culinaire se met en recherche d’inspirations. En ce domaine, il faut toujours se rappeler de la célèbre phrase que l’on attribue à Bernard de Chartres: « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants ».

Les réseaux sociaux sont intéressants dans la mesure où ils peuvent nous introduire à des disciplines passionnantes. Moi-même, j’ai commencé la photographie en 2017, dans le domaine de la photographie de rue (mon portfolio), après avoir découvert les travaux de Joshua K. Jackson sur Instagram. J’ai aussi découvert la photographie culinaire sur cette plateforme. Cependant, ce qui est particulièrement difficile sur les réseaux sociaux c’est de différencier le bon grain de l’ivraie: ce que l’algorithme considère comme une image de qualité n’est pas forcément le signe d’une qualité professionnelle. Ce constat appelle donc une question: comment être sûr que les images dont nous allons inspirer notre travail répondent à une demande professionnelle?

Il y a deux manières de s’en assurer:

  • Les portfolios de photographes professionnels: Pour pouvoir créer des images qui nous plaisent, il faut d’abord avoir une idée de ce qui nous plait. Pour cela, un très bon exercice est de se constituer un top 5 de photographes culinaires qui représente notre “panthéon photographique”, l’idéal que nous aimerions atteindre à l’horizon de 10 ans. Ensuite il faudra étudier ces portfolios et, sans plagier, produire des photographies dans le même esprit que celles qui auront le plus attiré votre attention.

    • Deux pistes pour vous aider à constituer votre liste de photographes préférés: les concours de photographie culinaire et les agences de photographes.

  • Les revues de photographie/marketing: Dans les revues de marketing vous trouverez les dernières tendances en matière de communication visuelle. Elles sont très utiles pour avoir une idée du type de demandes qu’il y a sur le marché en ce moment et auront pour effet, en plus, de stimuler votre créativité ! (Voir la célèbre Creative Review par exemple)

Phase n°2: La création

Maintenant que vous avez une idée du type d’images que vous voulez créer et que vous vous êtes assurés qu’il y a une demande pour ces clichés sur le marché, il faut créer, mettre les mains dans le cambouis. De mon expérience, j’ai tiré quelques enseignements que j’aimerais partager avec vous

a. Faites vos préparations la veille

En photographie culinaire, organisation est mère de sûreté.

Comme je l’ai dit plus haut, la photographie est un art difficile. Le jour du shooting, vous devez pouvoir vous concentrer uniquement sur votre sujet (le produit à photographier). Il est donc absolument nécessaire de vous libérer l’esprit afin de faire de la place à votre créativité. 

Pour cela, on fera nos courses et un maximum de préparatifs la veille.

  • Si vous avez décidé de photographier une tarte au pommes par exemple, coupez vos pommes (réfrigérez les avec un peu de jus de citron pour éviter qu’elles ne noircissent) et réalisez votre fond de tarte à J-1. Ainsi, vous aurez juste à la mettre au four avant de la photographier.

b. Soyez indulgent envers vous-même

Si vous avez lu cet article jusqu’ici c’est certainement que vous êtes ambitieux et donc que vous avez choisi pour vous inspirer des photographies de « maîtres » de la photographie culinaire. Lorsque vous allez shooter pendant les premières semaines, il y a fort à parier pour que les résultats ne soient pas à la hauteur de ceux que vous aimeriez avoir. 

Rappelez-vous néanmoins ceci: les images dont vous vous inspirez, les photographes culinaires que vous admirez, sont le résultat d’un travail produit sur de nombreuses années. Il faut en moyenne 5 à 10 années de travail pour remporter un concours en photographie culinaire ou être repéré par une agence de photographes. 

Soyez indulgents envers vous-même. Continuez à travailler et tout se fera naturellement.


c. Étudiez la lumière

Lorsque l’on se confronte à une photographie qui nous plait, nous prenons un soin particulier à identifier son sujet, à analyser les proportions dans l’image, mais lorsque nous essayons de produire un résultat similaire il arrive souvent que nous soyons déçus par le résultat. Tout se passe comme si tout était là mais qu’il manquait quelque chose. Il me semble que cela se produit souvent lorsque nous ne faisons pas assez attention à la lumière. Il est donc crucial de se poser ces questions:

  • D’où vient la lumière?

  • Quelle est sa qualité? Douce? Crue?

  • Y’a-t-il plusieurs sources lumineuses?

  • Est-ce que les ombres sont atténuées par un réflecteur?

La maîtrise de la lumière est l’une des principales compétences du photographe culinaire. Il ne suffit pas qu’une scénographie soit correctement éclairée pour faire une bonne photographie culinaire. Il faut qu’elle le soit, certes, mais intelligemment, afin de faire ressortir les éléments saillants de la composition.  

4. Utilisez le mouvement pour dynamiser votre portfolio

Amis photographes, la troisième décennie du 21è siècle s’ouvre et les tendances photographiques ont profondément changé depuis les années 2000. Alors que la photographie culinaire se bornait autrefois à des photographies de plats classiques, vus de haut, où le seul stylisme était un stylisme de l’assiette, les photographes culinaires débordent aujourd’hui de créativité pour sublimer les produits dans des univers et atmosphères toujours nouvelles. 

Une tendance de fond que l’on observe aujourd’hui en photographie culinaire, c’est le mouvement: on verse, on éclabousse, on siphonne, on éclate, on lance…Pourquoi? Parce que le mouvement ajoute une nouvelle dimension à l’image, la rend plus intéressante. 

 
 


Pour correctement réaliser une image qui implique un mouvement, il faut que ce dernier vienne parachever la composition. Le cliché doit être correctement composé et le mouvement vient « finir » la photographie. Sur l’image de muffin ci-dessus j’ai composé mon image avec la grille, le citron, puis le gâteau et une fois que la composition était bien équilibrée, nous avons versé le glaçage. Une action que j’ai shooté en mode rafale pour être sûr d’obtenir le moment parfait où le glaçage était le plus appétissant. 

Un autre moyen d’utiliser le mouvement c’est de créer des GIFs. Ils sont excellents pour dynamiser un portfolio et rendent sa visite beaucoup plus agréable pour un client. De plus, le client qui souhaite faire appel à vous pour des photos culinaires simples pourrait être intéressé par cette compétence donc n’hésitez pas à investir une petite heure à l’apprentissage de l’art du GIF. Vous avez tout à y gagner !

5. Le principe directeur de votre portfolio de photographe culinaire professionnel

Les quelques mots qui vont suivre portent sur l’ergonomie de votre portfolio et principalement sur le principe qui doit guider son organisation sur votre site internet ou dans sa version papier. Si tout se passe bien, vous avez produit une vingtaine d’images qui vont vous permettre d’obtenir vos premiers jobs. Et si vous avez su lire entre les lignes, vous aurez compris que la construction de votre portfolio a obéit à un seul et unique principe : montrer votre travail et décrocher des contrats.

Aussi, ayez toujours à l’esprit l’expérience client. Il faut que votre site soit hyper fonctionnel et permette une présentation simple et efficace de votre travail! Plus votre message sera clair, plus les informations seront trouvées facilement, et plus vous faciliterez la prise de contact par le client. Pour cela, voici quelques conseils  

  • Privilégiez un style minimaliste et épuré: Veillez à ce que votre photographie reste la star de votre site internet.

  • Navigation facile: au début, évitez les dossiers et sous-dossiers. Votre portfolio n’est pas encore assez fourni pour choisir une organisation complexe.

  • Mettez vos meilleures images au début de votre portfolio. Comme dans un bon livre ou dans une bonne vidéo, l’introduction est essentielle pour capter l’attention du spectateur. Les dix premières photographies de votre portfolio doivent représenter parfaitement votre identité et le travail pour lequel vous aimeriez être embauché.

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Le Meilleur Objectif pour la Photographie Culinaire